lundi 6 février 2012


KATE WAX - Live


samedi 31 mars / 22h30/ Forum


Chanteuse lyriqued’origine tibétaine, Kate Wax s’est d’abord fait remarquer avec un premieralbum, Reflections of the Dark Heat, sorti en 2006. Cinq ans plus tard, DustCollision, scintillant deuxième album apporte une nouvelle preuve de sonsingulier talent. Elle mêle toute sa créativité à ses influences électro minimaliste. Ce disqueest une collection de morceaux non conventionnels et vocalementimpressionnants. Sa voix de soprano porte des sons métalliques et synthétiques,le tout donnant un aspect très poétique, mystérieux et emprunt de nostalgie.


article paru dans la revue MOUVEMENT
 
Piège de cristal
/ Nouvel album de Kate Wax

Jeune femme suisse d’origine tibétaine, Kate Wax s’estd’abord fait remarquer avec un premier album, Reflections of the Dark Heat, sorti en 2006 sur le label genevoisMental Groove. Cinq ans plus tard, DustCollision, scintillant deuxième album publié par Border Community (le labelde James Holden), apporte une nouvelle preuve de son singulier talent.


«
 J’ai connu une enfance dysfonctionnelle. Pour yéchapper, j’ai cultivé une multitude de personnalités aujourd’hui légitiméespar la musique. Elles se rencontrent, se disputent, rentrent en guerre, se fontla paix…. Cet album est un champ de bataille, mais aussi un terrain de réunification» Ainsi parle Kate Wax (Aisha Devi Enz, à l’état civil) de sondeuxième album, DustCollision, structure expérimentale etmétallique de douze titres « au sontrès poussiéreux, frontal », dominés parun chant soutenu, démesuré, poignant.
 
Depuis le milieu des années 2000, la silhouette gracilede cette ancienne chanteuse soprano s’est faufilée entre les mailles du filetélectronique helvétique. En toute discrétion, sans que l’on s’en rende vraimentcompte – heureusement pour celle qui se décrit comme une
« misanthrope inconditionnelle », et qui a dessiné un parcours à la fois logique ettortueux : « Lamusique, c’est une identité, explique-t-elle.Mais j’ai aussi fait lesBeaux-arts de Lausanne, où j’ai touché un peu à tout : à la photo, à lavidéo, au graphisme... J’ai commencé à travailler avec mon ordinateur. Enfinissant mes études, j’ai réalisé que mon ordinateur me donnait del’autonomie, que je pouvais créer sans avoir besoin de personne. » Enthousiasmée par l’émergence de l’électronique à Genève, oùelle a élu domicile, celle qui est devenue Kate Wax se lance en catimini dansl’exploration des sonorités synthétiques : « Je suis davantage une songwriter qu’uneenfant de la techno, mais le fait que l’électro sorte de la Suisse m’a aidé àme penser enfin comme artiste. À cause de mon mode de création très solitaire,j’étais certes un peu en marge du mouvement collectif de la scène genevoise quej’ai vu naître. Beaucoup de choses se passaient la nuit, au cours de soiréesillégales, dans des squats. Il y avait une énergie incroyable, une vraieliberté… On se croyait dans le New York des années 1980 : tout étaitpossible.  Avec la crise du logement, la ville a récupéré les squats.Aujourd’hui, Genève est ennuyeuse, culturellement morte... »
Fautede puiser son inspiration dans l’ailleurs, Kate Wax la trouve dansl’introspection. Après les longs mois de tournée qui ont suivi la sortie de sonpremier album, Reflections of the DarkHeat, bel écrin d’électro contemplative, elle se retrouve déçue par lemonde, l’industrie de la musique, le manque de fiabilité de l’autre. Elle serecroqueville alors sur elle-même, des nuits durant, pour enregistrer denouveaux morceaux. « Je me suisenfermée deux ans, raconte-t-elle, dansun studio qui est une sorte de tube pas plus grand qu’un fœtus. Et j’ai créé,avec une vraie rythmique obsessionnelle» Le résultat, qui s’intitule DustCollision, distille une émotion libérée de toute pudeur. La naissance deson premier enfant y serait-elle pour quelque chose ? Elle approuve : « Tous mes questionnementsphilosophiques en rapport avec le monde ont été exacerbés… Notamment monrapport à mes origines tibétaines, que j’ai senti, pour la première fois,extrêmement présentes dans ma manière de créer. Cet album est une révélation. »

Mixé par James Holden, qui a immédiatement cerné l’importance de l’intimitédans le son de Kate Wax, Dust Collisionréussit à joindre les deux bouts de l’intime et de l’astronomie : « L’accident et le crash sont àl’origine de toute matière. »

S’y entremêlent le manifeste écologique « Green Machine », l’ « histoire d’amour féministe »de « I Knit You », dans laquelle Kate Wax détourne les codes ditsféminins en s’amusant du thème du tricot, ou encore la magie noire des« Djinns », ainsi baptisé en référence au poème de Victor Hugo. « Il parlait à merveille de ces démonsqui viennent me hanter la nuit, précise la musicienne, comme les djinns, ces petits esprits malfaisants. » Tout envariations et pourtant homogène, DustCollision refuse de transiger sur l’importance de la substantifique moelle,en l’occurrence celle de Aisha/Kate. Celle-ci avoue cultiver « un amour pour ceux qui se mettent enmarge, qui prennent des risques, comme Nina Hagen, ou qui deviennent leurpropre matériel de création, comme Nan Goldin », avec qui elle travaillajadis aux Beaux-arts.

Pour finir, on se risque à lui demander la raison du choix de sonpseudonyme : allusion à la cire avec laquelle les premiers disques étaientfabriqués ou simple lubie ? Ni l’une ni l’autre : « Je ne pouvais pas choisir un nom quime ressemblait. Kate Wax, c’est pop, lisse, c’est une espèce de camouflage quiouvre la porte sur un monde plus sombre. C’est aussi une manière polie de nepas apeurer l’auditeur. Enfin, j’ai conscience que ma musique demande de lapatience, qu’elle n’est pas accessible au premier abord, et ce nom plutôtglamour aide à passer au moins les premières barrières. » Il n’y aplus qu’à se laisser piéger.

Sophie Rosemont



01 I Knit You KATE WAX by La Passerelle St-Brieuc 02 Dancing On Your Scalp by La Passerelle St-Brieuc

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